samedi 6 septembre 2014

Portrait d'une famille qui lit


Dans le cadre du Ray's Day, je voulais écrire un petit quelque chose. Je n'ai pu que le commencer, et il était resté en attente dans mon ordinateur, le voici seulement maintenant.

C'est le portrait d'une famille qui lit, ce n'est pas un portrait à vocation sociologique ou politique, encore moins commercial ; je vous entends déjà : famille un peu trop riche et cultivée pour représenter la famille française moyenne. Ce sont des instants, des images qui voudraient être assez puissantes pour que certains se disent : nous aussi, nous étions, nous sommes, nous pourrions être, nous serons une famille qui lit.

Elle. Elle, vous la voyez dans la pénombre, qui tourne autour de la table d'une cuisine, elle, qui tourne avec un nourrisson porté en écharpe, elle tourne pour le bercer, une liseuse à la main. Elle lit, les yeux cernés, son fils contre elle, elle lit et sa journée d'éléveuse d'enfants se suspend pour un pur moment imaginaire.

Lui. Lui, vous l'apercevez dans l'ombre, ses cheveux couverts de poussière, sa nuque rougie, ses mains abimées tenant une tablette. Assis sur le sol de sa maison en chantier, à côté des restes du déjeuner qu'il vient de finir, il lit le chapitre d'un roman.

La petite fille. La petite fille et toute la beauté de son ravissement quand elle répète la dernière phrase de l'histoire : « quel tintamarre ! », savourant le mot comme elle exulte sur un tourniquet. La petite fille aux pleurs incoercibles qui ne se console que par cette proposition : Tu veux une histoire ? Oui, elle veut une histoire, puis une autre puis encore une autre. Oui dès qu'elle rencontre quelqu'un, on dirait que tout son charme est dirigé vers un seul but : se faire raconter des histoires. Beaucoup beaucoup d'histoires.

Elle, qui attrape quelques romans, pendant que la petite fille court dans les rayons et fanfaronne : « Je me cache, Maman ! » et la bibliothécaire qui la lui ramène, à elle, sa mère, un peu penaude, de laisser l'enfant s'amuser dans le labyrinthe de littérature.

Lui. Il lit avant de dormir. D'abord pour sa fille, avide de mots, de personnages, d'aventures ; puis pour sa femme, que sa voix apaise. C'est le lecteur d'histoires de la famille, un lecteur sérieux qui essaie d'améliorer sa prestation ; lui qui n'a jamais été un élève prépare ses lectures pour sa femme, trouve comment mieux lire une histoire enfantine à sa fille.

Elle, qui se souvient. Son père lui avait dit « Tu lis trop » et longtemps, elle s'était demandée, si c'était vraiment possible de lire trop.


Aujourd'hui, elle sait que non, que la vie pulse et que lire entraine la vie, qu'on peut vivre comme on lit, qu'on peut lire en vivant, vivre en lisant.   


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