mardi 9 septembre 2014

Etre lu à perte ? Ou être édité sans être lu ?

Il arrive un moment où accumuler ses romans dans un coffre en bois devient grotesque. La plupart des Français auraient un manuscrit au fond d'un tiroir, parait-il, mais j'en ai plus d'un, je n'aurais pas la place : j'écris depuis plus de vingt ans, et j'ai finalisé mon premier manuscrit à l'âge de treize ans.

L'esprit aventureux, appréciant l'innovation et la technologie, je tente une expérience : la publication de mon dernier roman par financement participatif. Voici le concept en quelques mots pour ceux qui n'auraient pas suivi : un extrait du manuscrit est disponible en ligne, les internautes investissent si cela les intéresse pour voir ensuite le bouquin publié par une maison d'édition. Ici, il s'agit d'abord de parvenir à le publier par ebook. L'idée me séduisait : j'allais être lue !
J'ai donc envoyé mon manuscrit et je me suis lancée dans la campagne de financement avec enthousiame et avouons-le, une certaine naïveté.
J'ai vite déchanté, le site draînait très peu de lecteurs et d'investisseurs, personne ne faisait de retours sur le début de mon roman. Je suis quand même parvenue à atteindre le montant exigé pour financer la publication. Mais j'avais alors réalisé que le travail de promotion ne faisait pas (plus ?) partie des missions que s'est donné mon éditeur.
Donc comme beaucoup d'auteurs, je dois me débrouiller seule pour faire connaître mon bouquin sans pour autant avoir la liberté de le faire comme je le souhaite.
Je me dis alors : à quoi cela sert donc d'avoir un éditeur ? Un correcteur voire même deux ou trois pour un manuscrit impeccable, je suis d'accord, un graphiste pour la couverture, la mise en page, tout à fait, mais ensuite ? Un auteur peut mettre ses romans en vente sur Internet tout seul.

L'autoédition est pourtant très mal considérée. Les gens et particulièrement les journalistes et les libraires voient dans l'autoédition le signe d'un manuscrit refusé et donc « logiquement » mauvais. Car lorsque le bouquin est génial, il y aurait forcément une belle grande maison parisienne avec pignon sur rue pour être capable de l'identifier, non ? Ou alors une petite sympathique qui fait dans la nouveauté. Que dire ? Que les grandes croulent sous les manuscrits, avec des stagiaires qui notent à la chaîne ? Que les petites n'osent pas toujours, ont leur genre bien à elles ?
Que mon manuscrit est logiquement mauvais ? Il est perfectible, il sera parfaitement ennuyeux pour certains, mais c'est le cas de nombreux romans. Je lisais dernièrement à la suite une dizaine de critiques sur Freedom de Franzen, des lecteurs ont abandonné au bout de cent pages et d'autres ont été conquis.

Bien sûr, il reste la question de l'argent. En auto-éditant, tous les frais sont pour votre poche mais vous les maitrisez, vous pouvez imprimer à la demande et récupérer votre mise de départ. En passant par une maison d'édition, vous ne prenez aucun risque financier mais vous recevrez environ 10% du montant de chaque livre. A 300 exemplaires vendus en moyenne pour un premier roman, vous pouvez espérer vous payer une belle boite de chocolat. Pas de quoi se nourrir à l'année.

Quel est mon objectif en tant qu'auteur ? De devenir riche et célébre ? Vivre de ma plume ? Non, d'apporter quelque chose par ce que j'écris, d'être lue, d'être lue, encore et encore d'être lue.

Mon roman n'existe pour l'instant qu'en version numérique, ce qui hélas, en France, réduit considérablement le nombre de lecteurs ; j'ai l'intention de faire éditer une version papier.

A part si j'avais la chance improbable d'être approchée par une maison d'édition avec un gros service de distribution, un Community Manager, un chargé de communication ou chargée de presse, ce qui permettrait de passer plus de temps à écrire qu'à promouvoir, je choisirai l'autoédition, sans honte et sans regrets.