Il arrive un moment où accumuler ses
romans dans un coffre en bois devient grotesque. La plupart des
Français auraient un manuscrit au fond d'un tiroir, parait-il, mais
j'en ai plus d'un, je n'aurais pas la place : j'écris depuis
plus de vingt ans, et j'ai finalisé mon premier manuscrit à l'âge
de treize ans.
L'esprit aventureux, appréciant
l'innovation et la technologie, je tente une expérience : la
publication de mon dernier roman par financement participatif. Voici
le concept en quelques mots pour ceux qui n'auraient pas suivi :
un extrait du manuscrit est disponible en ligne, les internautes
investissent si cela les intéresse pour voir ensuite le bouquin
publié par une maison d'édition. Ici, il s'agit d'abord de parvenir
à le publier par ebook. L'idée me séduisait : j'allais être
lue !
J'ai donc envoyé mon manuscrit et je
me suis lancée dans la campagne de financement avec enthousiame et
avouons-le, une certaine naïveté.
J'ai vite déchanté, le site draînait
très peu de lecteurs et d'investisseurs, personne ne faisait de
retours sur le début de mon roman. Je suis quand même parvenue à
atteindre le montant exigé pour financer la publication. Mais
j'avais alors réalisé que le travail de promotion ne faisait pas
(plus ?) partie des missions que s'est donné mon éditeur.
Donc comme beaucoup d'auteurs, je dois
me débrouiller seule pour faire connaître mon bouquin sans pour
autant avoir la liberté de le faire comme je le souhaite.
Je me dis alors : à quoi cela
sert donc d'avoir un éditeur ? Un correcteur voire même deux ou
trois pour un manuscrit impeccable, je suis d'accord, un graphiste
pour la couverture, la mise en page, tout à fait, mais ensuite ?
Un auteur peut mettre ses romans en vente sur Internet tout seul.
L'autoédition est pourtant très mal
considérée. Les gens et particulièrement les journalistes et les
libraires voient dans l'autoédition le signe d'un manuscrit refusé
et donc « logiquement » mauvais. Car lorsque le bouquin
est génial, il y aurait forcément une belle grande maison
parisienne avec pignon sur rue pour être capable de l'identifier,
non ? Ou alors une petite sympathique qui fait dans la
nouveauté. Que dire ? Que les grandes croulent sous les
manuscrits, avec des stagiaires qui notent à la chaîne ? Que
les petites n'osent pas toujours, ont leur genre bien à elles ?
Que mon manuscrit est logiquement
mauvais ? Il est perfectible, il sera parfaitement ennuyeux pour
certains, mais c'est le cas de nombreux romans. Je lisais
dernièrement à la suite une dizaine de critiques sur Freedom de
Franzen, des lecteurs ont abandonné au bout de cent pages et
d'autres ont été conquis.
Bien sûr, il reste la question de
l'argent. En auto-éditant, tous les frais sont pour votre poche mais
vous les maitrisez, vous pouvez imprimer à la demande et récupérer
votre mise de départ. En passant par une maison d'édition, vous ne
prenez aucun risque financier mais vous recevrez environ 10% du
montant de chaque livre. A 300 exemplaires vendus en moyenne pour un
premier roman, vous pouvez espérer vous payer une belle boite de
chocolat. Pas de quoi se nourrir à l'année.
Quel est mon objectif en tant
qu'auteur ? De devenir riche et célébre ? Vivre de ma
plume ? Non, d'apporter quelque chose par ce que j'écris,
d'être lue, d'être lue, encore et encore d'être lue.
Mon roman n'existe pour l'instant qu'en
version numérique, ce qui hélas, en France, réduit
considérablement le nombre de lecteurs ; j'ai l'intention de
faire éditer une version papier.
A part si j'avais la chance improbable
d'être approchée par une maison d'édition avec un gros service de
distribution, un Community Manager, un chargé de communication ou
chargée de presse, ce qui permettrait de passer plus de temps à
écrire qu'à promouvoir, je choisirai l'autoédition, sans honte et
sans regrets.
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